Il y a des gens qui collectionnent les timbres, d'autres les autographes des joueurs de foot, moi, c'est les premiers ministres... Un mois après avoir vu François Fillon, j'ai eu la chance de rencontrer, cette fois-ci de manière un peu moins rapide, Michel Rocard.
La semaine dernière se réunissait à Abu Dhabi le think tank (Re)Sources. Un think tank, c'est un groupe de gens hauts placés et d'experts qui se réunissent régulièrement pour émettre des recommandations à destination des politiques et des décideurs, dans le but de les influencer.
Le think tank Re(Sources) est financé par Véolia, et s'occupe des problématiques liées à l'eau. Et il se réunissait à Abu Dhabi pour 2 jours.
Le séminaire était co-organisé par EDF (Véolia et EDF étant des entreprises très proches), et à ce titre, nous avons été contactés à Abu Dhabi pour organiser une visite. Puisque je me suis occupé de l'organisation, j'ai été grâcieusement convié à ce séminaire (c'est à dire conférences + restaurants, le temps de faire connaissance et d'avoir des vrais débats avec les participants).
Parmi les participants au séminaire, on trouve pêle mêle le directeur stratégique de Véolia, Michel Rocard, le directeur de la division hydraulique d'EDF, le président de Solidarités Internationales, le président du Conseil Mondial de l'Eau (ONU), un membre de la banque mondiale, et un bon paquet de journalistes (Valeurs Actuelles, Bloomberg, 20 minutes, RFI...). En tout une quarantaine de personnes, invitées à débattre et discuter pendant 2 jours des problématiques liées à l'eau et de l'énergie.
(Sur la photo, vous avez de droite à gauche le directeur de l'hydraulique à EDF, la directrice du pôle Accès à l'Energie, mon patron, directeur d'EDF - CIST aux Emirats, et moi).
Autant vous dire qu'au milieu de tout ça, je fais largement figure de gamin, et que j'ouvre des oreilles émerveillées en suivant les débats. Et les débats volent haut. Rocard a beau être devenu sourd comme un pot avec l'âge, il n'a rien perdu de sa vivacité d'esprit, spécialement quand il s'agit de tailler des croupières à la banque mondiale (peu appréciée dans le milieu professionnel, apparemment).
Ce qu'il ressort de ces deux jours, c'est que l'eau et l'énergie sont très étroitement liés. Il n'y a pas d'eau propre sans énergie, et pas d'énergie sans eau. Et l'énergie comme l'eau sont les deux éléments indispensables à tout développement économique (ajoutez l'éducation, et vous avez le cocktail gagnant). Pour les pays du Tiers-Monde, ce sont ces éléments qui permettront aux populations de vivre, et de sortir de la misère.
Les solutions existent. Le seul blocage est d'ordre politique et économique, d'où la nécessité d'une croissance économique durable dans les pays du Tiers-Monde. Dans ce tableau, les pays développés ont un rôle très important à jouer : celui d'investisseurs. Eux seuls ont les fonds et le savoir-faire suffisants pour créer les conditions propices au développement des pays du Sud. Mais depuis 2009 et la crise, les financements en provenance du Nord ont dramatiquement baissé... Comme quoi, ce sont encore une fois les plus pauvres qui ramassent les pots cassés.
Ce qu'il ressort aussi, c'est que le pic pétrolier (aussi appelé pic de Hubbert) tant annoncé n'arrivera pas. On entend souvent que le début de la fin du pétrole est annoncé pour la décénie à venir, ou dans un futur proche ; c'est faux. Malheureusement pour l'environnement, le pétrole a encore de très très beaux jours devant lui, et le modèle souvent avancé par les journalistes (parce que simple et facilement compréhensible) est trop simpliste pour coller à la réalité.
Ce qu'il ressort enfin, c'est que les journalistes n'écrivent bien que ce qu'ils ont envie, et surtout que ce qui fait vendre (donc, ce qui est dramatique). Ils préfèrent entendre qu'on va droit dans le mur et que le pétrole va disparaître très rapidement, plutôt que d'entendre qu'on en a encore pour plusieurs longues décennies, que les solutions existent, et que la transition se fera en douceur. Ah, les journalistes...
Pour moi, ces deux jours furent la découverte d'un monde à part : celui des politiques, des ONG, des décideurs, suivis en permanence par les médias. Un monde fascinant, où les enjeux sont énormes, et où faire bouger les choses peut prendre des années. Un monde qui décide aussi où va le monde...